mercredi 19 mars 2008

Développement durable en français à McGill

Une réunion sur le développement durable en français à McGill m'a changée d'air. Très bien organisée par Marie-Hélène et Christelle, deux étudiantes du cours Social Context of Business (gestion) du professeur Louis Chauvin, elle a démarré avec du café, des chips et des biscuits tous biologiques et équitables. Une projection complétait leur propos, et la rencontre était filmée. L'auditoire regroupait des étudiant(e)s joviales des facultés de gestion, d'éducation et d'arts de McGill, en plus d'universitaires de l'extérieur de McGill.
Lorsque la rencontre a commencé, les deux organisatrices étaient un peu nerveuses, mais j'ai été frappée de constater l'impact du cours du prof Chauvin sur elles; elles ont affirmé êtres entrées en comptabilité pour faire de l'argent, mais ont réalisé les conséquences négatives des actions de certaines entreprises durant ce cours. Elles ont donc voulu partager la sensibilisation qu'elles y ont reçu avec d'autres étudiant(e)s. Les règles du jeu ont ensuite été énoncées; il s'agissait de dialoguer et non pas de débattre.
La première étape consistait en définir le développement durable. Plusieurs étudiant(e)s avaient des parties de la réponse: c'est l'harmonie entre l'économie, le social et l'environnement, c'est bénéficier des ressources en s'assurant que les générations à venir auront les même opportunités (droit intergénérationnel). La question nous a été posée à savoir si nous étions pour ou contre des actions radicales, et Christelle et Marie-Hélène nous ont demandé de nous aligner le long d'un spectre de pour à contre. J'étais évidemment à l'extrémité du pour. Ensuite, nous avons consulté des sites Web pour en savoir plus.
À partir de ce moment-là, la discussion était sur sa lancée, et les organisatrices ont un peu perdu le contrôle de la discussion, ce qui se maîtrise avec l'expérience et est difficile à faire parce qu'on est intéressé et on hésite à interrompre, de peur de blesser. Quelqu'une a affirmé qu'il n'y avait pas beaucoup d'espoir de changements radicaux de la part du gouvernement Harper. Comme on est rentré dans mon champ d'intérêt, j'ai lancé que les Libéraux avaient foiré à agir pendant 10 ans, adoptant plan sur plan sans implanter les mesures annoncées.
Plus tard, on a dit qu'il ne fallait pas attendre après les gouvernements pour agir. Je n'ai pas pu résister à ouvrir ma trappe et à suggérer qu'on se présente nous-même pour changer les gouvernements, ce à quoi Marie-Hélène ou Christelle a rétorqué qu'elle avait de la difficulté à s'adresser à un groupe de 20 personnes. J'étais comme ça au début de l'université; il est toujours possible de s'améliorer avec de la volonté (mais ça, je ne l'ai pas dit).
La discussion s'est poursuivie, et je m'en suis mentalement détachée un peu. J'ai constaté que j'avais des réponses à chacune de leurs interrogations, mais que je n'étais pas là pour représenter les Verts provinciaux/fédéraux, et qu'il était beaucoup passionnant d'écouter que d'intervenir, quoique j'aurais voulu fournir toutes les réponses de nos plateformes sur-le-champ.
Nous avons abordé la taxation sur les biens/l'imposition sur le revenu, la taxation des entreprises, l'éducation du public et son niveau (primaire à universitaire), l'origine du mouvement (de haut en bas, de bas en haut), etc. D'assister et de participer (avec retenue!) à cette discussion m'a fait le plus grand bien, parce qu'elle prenait place hors d'un parti politique ou d'un groupe environnemental, et en français à McGill. C'était donc du vrai monde, des gens réalistes et pas des utopistes partageant une vision commune.
Je voudrais ici simplement présenter plusieurs des réponses auxquelles j'en suis venues par mon éducation (en environnement dans la Faculté des Arts de McGill), par mon implication bénévole (dans la sphère durable de McGill, en politique avec les Partis Verts), par ma surveillance attentive de l'actualité environnementale et politique du Québec et du Canada ces deux-trois dernières années.
Le développement durable regroupant l'économie, l'environnement et le social sur un pied d'égalité, il faut d'abord établir l'équilibre. La sphère du développement durable qui domine le Québec comme le Canada, c'est l'économie, pas même la politique, qui est son moyen de contrôle. Ma priorité, c'est bien sûr l'environnement, mais je m'efforcerait d'inclure le social dans mon analyse.
À moins de vouloir être vraiment radical et de jeter l'économie à terre, il faut s'efforcer d'intégrer l'environnement et le social à l'économie, car les conséquences qui découlent de l'économie (nommées externalités) n'y sont pas inclues, que ce soit la pollution ou l'exploitation. Cela peut se faire avec l'économie écologique (ecological economics), en mettant un prix aux externalités, à la pollution. De cette façon, la conséquence positive ou négative des activités économiques, une fois quantifiée en dollars, s'intègre au marché. Le gouvernement peut agir à ce niveau en cessant d'imposer le revenu des contribuables et en taxant plutôt la consommation de biens d'exploitation ou polluants. Bien sûr, il faut continuer à supporter les moins bien nantis afin que leur portefeuille n'en soit pas affecté.
Quant à taxer les entreprises, elles vont fuir. Je n'ai pas de bonne réponse à ce que le gouvernement devrait faire par rapport à elles. Idéalement, tous les pays du monde s'entendraient pour taxer les entreprises au même niveau, mais elles échappent à cet impossible accord puisqu'elles sont indépendantes des États-Nations (étant multinationales) comme du droit international.
L'éducation du public est toute une question. Si l'on choisit d'éduquer à un quelconque niveau scolaire, c'est un cauchemar pour les enseignant(e)s qui se doivent de suivre le curriculum bien rempli du Ministère de l'Éducation (des Loisirs et des Sports). De plus, que faire des nouveaux arrivants, les obliger à prendre un cours là-dessus? Et s'il y a urgence (surtout au niveau des changements climatiques), nous faudra-t-il attendre une génération avant que les éduqués posent des gestes? Au niveau de McGill, il est impossible d'imposer un cours à travers l'université. Je vous invite à consulter cette bibliothèque de la "durabilité" pour en savoir plus. En un mot, à quoi servirait un cours de développement durable pour la faculté de religion? Pour la dentisterie, la médecine? Je crois qu'il est important que McGill soit d'abord durable elle-même avant de commencer à l'enseigner, parce que notre université n'applique pas ce qu'elle enseigne (ne serait-ce que sa propre gestion et celle de l'information). De plus, si nous avons un cours de durabilité, 39 heures seront-elles assez pour sensibiliser à l'importance du social et de l'environnement dans notre économie? Cela créerait aussi un précédent et d'autres groupes de pressions voudront avoir leur cours.
Je suis malheureusement partie avant de revoir les extraits de The Corporation, une entrevue avec David Suzuki et Une vérité qui dérange. Mais je vais vous laisser sur ces quelques mots: c'est assez la sensibilisation. Les Québécois et des Canadiens sont assez verts dans la tête. Il ne leur reste plus qu'à appliquer des comportements respectueux socialement et environnementalement. À cause du "free-rider effect", de la difficulté et de la pénalité que peut engendrer un changement positif d'habitude (prendre le transport en commun plutôt que la voiture, pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, par exemple), les Québécois attendent peut-être qu'on leur impose du changement (donc le mouvement de bas en haut n'est pas à espérer, mais le haut en bas, peut-être).
Nous sommes très paternalistes, nous voulons par exemple que le secteur manufacturier demeure au Québec alors qu'il n'est plus rentable et que nous payerions moins cher pour du manufacturé d'ailleurs, donc nous allons pleurer au gouvernement pour qu'il subventionne une industrie non-rentable, et celui-ci le fait parce qu'il ne veut pas perdre d'élections. La politique elle-même n'est pas durable, car elle a une vision de quatre-cinq ans maximum. C'est pourquoi les petits partis sont si importants dans notre système d'élections uninominales à un tour (c'est-à-dire démocratique, mais pas proportionnel ni participatif); ils volent des votes aux gros peureux, qui s'effraient en voyant cela et adoptent les idées de la plateforme des partis d'opposition (que ce soit le NPD et le Parti Vert au Canada, ou le Parti Vert et Québec Solidaire au Québec). C'est pourquoi je suis dans le Parti Vert; je veux changer les choses, en politique, de l'intérieur, viralement, comme de l'extérieur, en menaçant de l'autre côté de la clôture, dans une perspective de développement durable, puisque la "durabilité" n'est pas arrivée en français, au Québec comme au Canada.

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