mardi 10 juillet 2007

Individualisme et société

Je suis un peu tannée. Tannée de vivre à travers les autres. Tannée de ma dépendance aux nouvelles, au dépanneur du coin, à la consommation. C’est comme être un fantôme; on n’est pas reconnu pour ce que l’on est et tout nous passe au travers.

Pour dire vrai, j’ai passé ma journée à rattrapper le temps perdu à gagner une valeur d’échange, mais j’en ai du moins tiré un peu de bon côté personnel. J’ai réorienté mes études, donné du sang, assuré l’assouvissement d’une autre dépendance, garanti de la bouffe bio locale pour la semaine prochaine, visité mon asso étudiante, tenté de rencontrer des profs et d’emprunter un livre. Le plus productif aura certainement été mon échange avec un ami, qui soulignait l’importance de la réputation dans le domaine scientifique, ce qui m’a fait penser à un autre qui embrasse le système capitaliste. Puis, j’ai écouté la radio durant deux heures trente. Une émission sur le mouvement hippie m’a un peu ébranlée, parce que j’ai constaté que je n’en savais pas beaucoup à part les stéréotypes, mais aussi que selon Naomi Klein, deux sous-mouvements s’opposaient, à l’époque; ceux pour qui il fallait changer le système, et les autres qui soulignaient la modification du style de vie. Ramené à la politique canadienne d’aujourd’hui, ce seraient les NPD contre les Verts. De plus, cette grande auteure a parlé de la division de cette contre-culture en plusieurs groupes avec un seul sujet en tête, et des moments durant lesquels il y avait réunion. Ça m’a aussi frappé, parce qu’aujourd’hui, en entrant dans une librairie coopérative à saveur alternative, j’y ai vu plusieurs valeurs représentées par divers objets en un seul endroit.

Uni, le peuple, jamais ne sera vaincu? L’union fait la force? Contre quoi devons-nous rester solidaires? Contre d’autres humains qui imposent un ordre? Il est fascinant de constater combien “A Brave New World” et d’autres dystopies prennent réalité aujourd’hui. Dans cette ère ou l’on parle d’individualisme avec dédain, plutôt que de prendre du temps pour moi-même, m’arrêter, faire un retour sur moi, ne rien faire, méditer, j’ai employé mon jour de congé à remplir les obligations que la société m’impose, c’est-à-dire les études pour produire par la suite, le sang pour les malades, la consommation pour le profit de quelques-uns, la bouffe bio locale parce qu’elle n’est pas abordable ni bonne pour la santé au marché du coin et suremballée au supermarché, les contacts humains afin de garder animé ce réseau qui me permettra d’obtenir un bon emploi rémunérateur, la culture pour pouvoir suivre les discussions d’autres, la radio pour ne pas penser. C’est se forcer d’être dans la sphère publique, et dédaigner la privée.

À quand l’autosuffisance de chacun? Je me rendais compte, en tentant de m’arrêter après quatre heures de vélo à aller d’un bout à l’autre de l’île, que les espaces sereins manquent. Un parc près de l’eau? Des joggeurs, des chiens, des enfants. Une église? Des tonnes de communiants. Mon appart? Pas très calme… la rue d’à côté est passante. Pour échapper à mes semblables et me centrer sur moi-même, faut-il absolument un abéï (et non je ne l’écrirai pas abbaye parce que c’est une aberration orthographique) joignable seulement en char qui utilise des combustibles fossiles pendant une, deux heures?

Bref, c’est ça la ville, c’est ça être le mammifère le plus abondant sur Terre, c’est ça avoir un organe gris et blanc juteux qui produit une organisation structurelle hiérarchique afin d’éviter que l’espèce ne périclite.

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